La gauche revendique désormais Matignon. Quelles sont les différentes options sur la table ?
Antoine Oberdorff, journaliste au service politique : Personne ne les avait vus venir. Dimanche soir, au second tour des élections législatives, c’est l’alliance des gauches et des écologistes, le Nouveau Front populaire, qui est arrivé en tête avec 182 sièges, devenant ainsi la première force parlementaire à l’Assemblée nationale. Certes, c’est un résultat inespéré auquel personne n’osait rêver à gauche.
Mais les circonstances exceptionnelles dans lesquelles il s’est produit devraient interdire toute forme de triomphalisme à gauche. Car c’est surtout le barrage républicain qui a fonctionné lors de ce second tour des élections législatives. Des électeurs macronistes, voire même de centre droit, ont consenti à voter pour des socialistes, des écologistes, voire même des insoumis.
À présent, ils sont plusieurs responsables du Nouveau Front populaire à être lucides sur l’état du pays et à être conscients que 100 % des électeurs n’ont pas voté en adhésion, en adéquation avec le programme du NFP.
Se pose alors, au lendemain des élections législatives et dès à présent, la question, pour les leaders du NFP de trouver une majorité absolue, étant entendu qu’il leur manque plus de 100 voix pour atteindre la barre des 289 sièges nécessaires à la majorité absolue.
Du tribun insoumis Jean-Luc Mélenchon, qui a parlé en premier dimanche soir, à l’écologiste Marine Tondelier, en passant par le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, tous aspirent à gouverner. Tous se disent prêts à envoyer un candidat pour Matignon. Et cela doit se faire, selon eux, sur la base de leur programme, seul socle, seul préalable à toute discussion.
Or ce programme, nous le savons très ambitieux, avec des mesures telles que l’abrogation de la réforme des retraites à 64 ans, l’augmentation du Smic à 1 600 € ou encore l’instauration de quatorze tranches d’imposition. Après tout, se dit-on dans les rangs du Nouveau Front populaire, les macronistes ont bien réussi à passer des textes pendant deux ans en ayant simplement 250 sièges à l’Assemblée nationale.
Trouver des voies de passage pour obtenir des avancées sociales dans l’hémicycle suppose des concessions, suppose d’évoluer vers une culture du compromis parlementaire qui est aux antipodes de la logique de la Ve République. Marine Tondelier, la cheffe des écologistes, l’a dit : « Il faut dorénavant que nous ne soyons plus face à face, mais côte à côte. »
S’ils veulent gouverner et gouverner durablement les leaders de la gauche et des écologistes le savent il ne faut pas qu’ils aient de majorité absolue contre eux, sous peine de quoi, leur gouvernement serait renversé à la moindre motion de censure. Il faudra donc pousser les murs du Nouveau Front populaire et élargir le socle des adhésions, trouver des points d’appui dans d’autres groupes parlementaires pour faire voter texte par texte, à commencer par le budget.
Et la clé de voûte, dans cette Assemblée illisible, pour le NFP, il est fort probable que ce soient les équilibres internes au bloc macroniste que l’on sait tiraillé entre une aile gauche et une aile droite.
Alors que l’hégémonie de LFI sur le reste de la gauche vacille, à quoi joue Mélenchon ?
Si on met à présent le focus sur la gauche, à l’intérieur du Nouveau Front populaire, dimanche soir, au second tour des élections législatives, l’hégémonie de La France insoumise a été incontestablement remise en cause par rapport aux équilibres qui prévalaient au temps de la Nupes.
Ce rééquilibrage promis par les socialistes et notamment Raphaël Glucksmann, candidat aux européennes, par quoi se manifeste-t-il ? D’abord, par un doublement des effectifs du groupe PS. Ils n’étaient que 31 en 2022, ils pourraient être aujourd’hui plus de 70 députés PS en bénéficiant notamment de l’arrivée de députés divers gauche mais aussi de poids lourds, à commencer par l’ancien chef de l’État, François Hollande.
De son côté, le groupe insoumis pourrait être fragilisé par une vague de départs. On le sait, la purge à laquelle a procédé Jean-Luc Mélenchon à l’occasion de ces élections législatives, va durablement traverser l’histoire du groupe insoumis. Des personnalités comme François Ruffin et Clémentine Autain ont marqué leur désapprobation et pourraient emmener dans leurs bagages, à la faveur d’un départ du groupe LFI, d’autres élus.
La prochaine étape du rééquilibrage entre le pôle le plus radical du Nouveau Front populaire, à savoir La France insoumise d’un côté, et par ailleurs le Parti socialiste, se jouera donc au moment de la constitution des groupes parlementaires, le 18 juillet prochain.
Aux portes du pouvoir, le Nouveau Front populaire risque-t-il de se fracturer ?
Une nouvelle fois, les tensions internes au Nouveau Front populaire risquent de se cristalliser sur la question de l’incarnation du Premier ministre. On le sait, insoumis, socialistes, écologistes et communistes ne sont pas d’accord sur le bon profil à envoyer à Matignon.
S’il conserve le nombre de députés le plus important à l’Assemblée nationale, le groupe LFI revendiquera son droit à envoyer son candidat à la primature. Et en cela, la cheffe de file des députés insoumis, Mathilde Panot a bien redit ce lundi que Jean-Luc Mélenchon n’était en aucun cas disqualifié dans la course à Matignon. À l’inverse, les alliés de LFI, socialistes, écologistes, communistes revendiquent un autre mode de désignation du Premier ministre. À savoir, le consensus.
Bien évidemment, la liste des prétendants pour Matignon ne cesse de s’allonger. Il y a d’une part, Marine Tondelier, la chef des Verts, qui a fait des interventions très remarquées à la faveur de cette campagne législative. Mais il y a aussi des profils socialistes, voire sociaux-démocrates qui inspireraient peut-être plus de confiance aux macronistes. On pense, par exemple, au chef du Parti socialiste, évidemment Olivier Faure, mais aussi à l’ancien secrétaire général de l’Elysée sous l’ère Hollande, Boris Vallaud.
D’autres noms viendront immanquablement s’ajouter dans les prochains jours, à la faveur des discussions internes au Nouveau Front populaire. Mais pour l’heure, une donne insoluble domine les débats. Une Assemblée illisible dont ne se détache véritablement aucune coalition.
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Publish date : 2024-07-08 15:52:05
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Author : Front Populaire
Publish date : 2024-07-09 06:59:09
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